Quitter la ville

 

Je veux quitter la ville, je veux quitter Paris et sa banlieue. Je n’en peux plus de cette région pourrie. Je m’en bats les couilles que ce soit la capitale de l’art, de la culture, des expos, des musées, des intellos, trucmuche. Tant pis pour les mondanités, tant pis pour la littérature, tant pis pour les débats d’idées à trois francs six sous, vos monuments chéris et votre grandeur en carton-pâte. Tant pis – et c’est tant mieux – pour ce tumulte qui se croit vie quand il n’est que bourbier, fumier, merdier. Je m’en vais rejoindre ce qu’il reste de nature. Vous ne me manquerez pas. Votre civilisation adorée, je vous la laisse, goinfrez-vous-en. Ce sera sans moi. Ce sera sans les enfants que je mettrai au monde, et qui verront le jour depuis ma chair contrariée et éprise de pureté. Je veux leur offrir des aubes plus claires et des horizons plus neufs que vos ciels brouillés et vos nuits sans étoiles, vos rues sans arbres et vos villes sans joie. Je ne veux plus d’une vie « sans ». Je veux une vie avec. Je veux m’unir à ce qu’il reste de grand et m’y fondre, m’y évanouir, disparaître à jamais de vos radars, de vos réseaux, de tout ce qui rappelle le marécage et l’agrégat, la mémoire et le ressentiment. Me faire toute petite dans cette éternelle nature, quelque part entre le pépiement des oiseaux et le chant d’un ruisseau, me réfugier sous les arbres que vos immeubles géants dépassent en taille mais n’égaleront jamais. Vous m’entendez ? Jamais. Je veux la pierre, le sable et l’argile autour de moi plutôt que dans votre salle de bain, le diamant, le métal et la matière sous terre plutôt qu’autour des cous ridés des vieilles pétasses vernies que produit la civilisation, l’eau jaillissant de la source plutôt qu’agonisante dans des bouteilles où l’orage ne viendra plus l’électriser et la garder en vie, où le chant des oiseaux, la salive des animaux, la boue et la pluie ne se mélangeront plus à son corps divin, la laissant vide et sans joie, tout comme vos corps qui la boiront sans connaître jamais sa magie véritable. Je veux la plante parmi ses sœurs plutôt que dans vos vases et sur vos balcons, dans vos potagers sinistres et vos vergers éteints ; je veux le poisson nageant dans ses eaux infinies plutôt que dans vos bassins d’élevage ; je veux les abeilles dans des ruches suspendues aux arbres immenses ; je veux la bête hors de son enclos, le chien hors de sa niche, l’oiseau hors de sa cage, l’enfant hors de sa prison, l’Hemme* hors de son manège. Je veux les choses à leur place et moi à la mienne. Est-ce difficile à comprendre ? Je supporte de moins en moins les poussières et les violences que la modernité inflige à mon corps et à mon âme. Le primitif et le sauvage se réveillent en moi et enragent d’être à l’étroit ; voilà que le cheval fou rue dans les brancards, signe qu’il est temps de lui rendre sa liberté. J’ai besoin de la mer infinie, j’ai besoin de grandes forêts qui s’abattent sur vous pour mieux vous étreindre, d’arbres qui donnent le vertige, d’un air si pur qu’il vous débouche les poumons à chaque bouffée et vous rappelle que vous êtes EN VIE. J’ai besoin qu’on me rappelle que je ne suis rien mais que j’appartiens à Tout. Le manque de nature me fait crever. Je n’arrive plus à faire semblant. Je veux quitter la ville. Et n’y revenir, jamais.

 

*l’Homme, en langage non sexiste.

 

A propos Altana Otovic

Tout ce qui n'est pas écriture m'ennuie. Vous savez ça, vous savez tout. https://altanaotovic.wordpress.com/2021/02/01/qui-je-suis/
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7 commentaires pour Quitter la ville

  1. Borider dit :

    bon vent alors ..et que les oiseaux t’accompagnent dans la brise de la vie

  2. Bonjour Altana,

    Comme je vous comprends dans votre soif de nature, de verdure, de chants d’oiseaux et de ruisseaux ! Sans doute aussi d’un impérieux besoin de porter le regard au loin sur la plaine, les champs ou la ligne d’horizon de la mer ou de l’océan : des paysages qui apaisent et non plus de ceux que l’on subit et qui fracassent notre âme sur la réalité immonde…
    La nature ne nous demande rien, n’exige rien, ne sollicite que le meilleur de nous, qu’on la contemple, qu’on y use ses chaussures de rando et même les deux en même temps, c’est elle qui nous nettoie l’intérieur de toutes les pollutions au sens propre comme au figuré.
    Puissiez-vous réaliser votre rêve, chère Altana, c’est tout le « mal » que je vous souhaite !

    Caroline

  3. jjj dit :

    Quant à ton néologisme et ta réflexion sur le sexisme, il montre que tu ne sembles pas avoir compris les enjeux de notre temps et les erreurs commises par les femmes depuis longtemps. C’est digne d’une femen ou pire. Tu ne comprends pas ce que tu arraches aux hommes avec cette attitude. Tu ne comprends pas la violence et l’arrogance de ta posture et le malheur que tu crées. Tant que tu n’accepteras pas la supériorité physique et symbolique de l’homme sur la femme tu resteras dans cette situation malheureuse, et c’est encore plus absurde en temps de guerre de civilisation. Il te reste encore beaucoup à apprendre pour être heureuse auprès d’un homme, un vrai en tout cas, mais tu ne peux aimer qu’un vrai, et c’est encore plus vrai avec ton caractère, ta personnalité et ton intelligence et ton talent, qui sont immenses. Prends soin de toi.

  4. jjj dit :

    c’est moi ou mon premier petit message n’a pas été jugé assez acceptable selon un inconnu critère? 🙂

  5. Olga dit :

    jjj je t’aime la vie dma mère
    si j’avais pu choisir j’aurais été toi

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